Les ados… mais il se passe quoi là dedans ?

En complément de l’article Parler à un ado…? Vraiment…?!, il me semblait intéressant de pouvoir poser dans un article les différentes informations que je donne en entretien aux parents d’ados « un peu trop chauds ». Je rajouterai aussi, et toujours pour compléter le 1er article, quelques petits trucs glanés dans le temps.

Il y a de cela quelques années, un de mes formateurs nous avait donné une liste de citations non-sourcées sur les jeunes. Toutes tournaient autour du fait que « Les jeunes de maintenant ... ». Entendons par là qu’aujourd’hui les jeunes sont moins bien qu’avant, qu’ils ne respectent pas l’adulte ou encore qu’ils sont complètement idiots. Une fois ces situations lues, les sources nous ont été données et il s’est avéré que toutes ces citations avaient des origines réparties à travers le temps et l’espace, de Aristote à Kennedy, de l’Asie à l’Europe. Nous avons donc échangé sur le fait que, à priori, depuis que l’Humanité est Humanité et que les enfants grandissent, une frontière d’incompréhension sépare les adultes et les adolescents. Nous sommes donc tous d’accord, et depuis toujours, que les adolescents sont des humains… disons… particuliers…?

Aujourd’hui, grâce aux avancées de la médecine et de l’imagerie médicale, nous comprenons beaucoup mieux pourquoi nous ne comprenons pas nos ados… et réciproquement… Comprenez-moi…

Pour commencer je souhaite préciser une chose : Je ne suis ni neurobiologiste, ni médecin, ni psychiatre. Je n’ai donc ici aucune légitimité de sachant ou d’expert. Je vous rapporte juste le résultat de recherches, de lectures et d’expériences cliniques qui me permettent de mieux comprendre le fonctionnement des adolescents. Vous trouverez donc probablement dans cet écrit des raccourcis, des approximations et probablement des non-sens ou des erreurs. Libre alors à chacun de corriger ou de s’approprier les choses comme il l’entend.

Biologie et neurologie

Le cerveau d’un adolescent est un chantier… pas uniquement en comparaison de sa chambre, un bazar sans nom aux odeurs suspectes, mais aussi parce qu’il est en travaux de reconstruction. Pour mieux appréhender le gros-oeuvre en cours, je vais essayer de vous expliquer les fonctions de deux parties du cerveau importantes pour notre sujet : L’amygdale et le cortex préfrontal. Je développerai également la réaction primaire Attaque/Fuite/Stupéfaction.

L’amygdale

L’amygdale est une paire de noyaux situés globalement au centre et sur les côtés du cerveau. Pour ceux qui ont été opéré des amygdales plus jeunes, aucune crainte, ce ne sont pas les mêmes ! Cette amygdale a une fonction d’évaluation émotionnelle des stimuli sensoriels visant à identifier un danger, proposer des réponses comportementales cohérentes (la peur) et ainsi éviter cette source de stress/d’anxiété. En clair, quand nos sens perçoivent un évènement potentiellement dangereux, l’amygdale va aider à choisir la bonne réaction (C’est en réalité beaucoup plus complexe que ça mais là ça m’arrange de simplifier).

L’amygdale est également présentée comme le siège des émotions, là où se jouent la peur, la colère ou encore l’angoisse. C’est elle qui va déclencher des réactions nerveuses les plus rapides afin d’éviter un danger, sans passer par de trop nombreuses étapes neurologiques qui pourraient ralentir le processus.

En gros, l’amygdale gère la peur et tient un rôle archaïque dans notre survie…

Le cortex préfrontal

Le cortex préfrontal est une autre partie du cerveau qui est le siège de l’élaboration et des fonctions cognitives supérieures (langage, mémoire de travail, raisonnement…). Il joue un grand rôle dans la résolution de problèmes complexes, la planification, les déductions, le circuit de la récompense ou encore l’inhibition.

En bref, c’est un organe très important pour réfléchir et surtout pour réguler nos émotions et discriminer les sources de danger. C’est cette partie du cerveau qui nous empêche d’être très mal aimables avec cette charmante personne très âgée qui met environ une demie-heure pour se garer alors que nous sommes en retard pour aller chercher les enfants à l’école…

« Ça sert à rien de s’énerver… »
– « Merci Cortex préfrontal de m’aider à ne pas être dominé par mes instincts et mes pulsions. »

La réaction combat/fuite/stupéfaction.



Enfin, dernier élément qui va nous permettre d’avancer, la réaction animale devant une source de stress. Nous sommes des animaux, un peu évolués certes, mais des animaux quand même. Cela nous amène quelques fonctionnements que nous ne maîtrisons que peu. Par exemple, face à un stress, la réaction combat/fuite/stupéfaction s’impose souvent à nous.

Nous avons tous déjà été témoin d’un accident (voiture, incendie, blessé). Face à cette situation il y a toujours des personnes qui attaquent le danger (sautent dans l’immeuble en flammes pour éteindre l’incendie, réaniment une personne au sol…). La deuxième catégorie de personnes sont celles qui fuient, qui regardent ailleurs et s’éloignent du danger. Enfin les derniers sont stupéfaits, nous les reconnaissons facilement aujourd’hui à travers leur téléphone portable, comme si il fallait enregistrer ce que nous ne pouvions traiter…

Nos adolescents fonctionnent de la même manière, nous y reviendrons par la suite.

Et donc…?

Comme je l’évoquais au début de cet article, le cerveau des adolescents est en chantier, en reconstruction, en rénovation… Quelles conséquences dans nos quotidiens ?

Il est dit qu’environ 70% du Cortex préfrontal est remanié pendant l’adolescence alors que l’amygdale, elle, serait déjà bien opérationnelle. Rappelons-nous que ce cortex préfrontal est le siège de la réflexion… à 70% remanié !!

Imaginez, dans votre ville, que 70% des routes soient en travaux. Comment espéreriez-vous pouvoir circuler ? Vous pourrez pester, hurler voire cracher (votre préfrontal devrait d’ailleurs vous en prémunir, un peu) vous ne circulerez pas plus vite. Il en est de même pour nos ados.


Les adolescents ne sont plus réellement équipés pour réfléchir et élaborer leurs idées ou comportements comme ils le faisaient enfants, ou comme ils le feront, plus tard. Là où nous, adultes, pouvons plus ou moins gérer nos émotions grâce à notre cortex préfrontal, celui des jeunes est en restructuration. Les connexions neuronales sont réorganisées, certaines sont d’ailleurs détruites, les neurones se spécialisent et les transmissions nerveuses sont accélérées. Conséquence directe de ces modifications, les émotions ne sont plus jugulées et débordent rapidement par manque de régulation.

Une autre conséquence que nous rencontrons assez fréquemment est la non-élaboration des conséquences aux actes. A cela s’ajoute enfin une difficulté à se projeter dans le temps. Cette fonction qui nous permet de deviner l’avenir (« Si je ne vais pas travailler, je vais être renvoyé, je n’aurai plus de salaire donc je ne pourrai plus payer le prêt pour la voiture et donc je serai en difficulté financière » ) leur est très difficilement accessible pour ces mêmes raisons de restructuration. Rien de plus frustrant que de voir nos gamins foncer dans le mur, les prévenir, et les voir malgré tout accélérer !

Il y a néanmoins des effets positifs à ces changements :

La créativité et la passion ! Nos adolescents sont des passionnés. Ils n’aiment pas ! Ils adulent ! Quand ils détestent quelque chose, c’est entièrement et complètement. Jamais de juste milieu. Cela fait d’eux des experts quand un sujet les passionne et des terreurs quand leurs émotions sont négatives.

Grâce à cette passion et aux modifications nerveuses, les jeunes ont des capacités de création impressionnante sans les freins intellectuels qui peuvent nous entraver ! La musique, la peinture ou encore le sport sont d’ailleurs des domaines qui, à mon sens, conviennent mieux aux ados que les mathématiques ou la physique.

Pour résumer, la structure cérébrale d’un humain entre 12 et 20 ans (environ) est presque incapable de dominer ses émotions, de prévoir les conséquences de ses actes et fonctionne pas mal à l’instinct (cette comparaison reste discutable selon la Recherche). Néanmoins ils ont des capacités intellectuelles très plastiques leur permettant d’apprendre et de maîtriser rapidement de nouvelles choses… pourvu que ça les intéresse…

A la maison, ça donne quoi ?

Nous demandons souvent à nos enfants de se poser et de réfléchir. Pendant les conflits, nous souhaitons implicitement qu’ils comprennent notre point de vue et se remettent en question ; qu’ils « réfléchissent à leurs actes ». Quelle illusion ! Quand nous sommes en colère, sommes-nous toujours en état de réfléchir sereinement ? Alors demander à un cerveau en travaux de réussir là où nous échouons ne me semble pas automatiquement efficace. Les adolescents pensent et réfléchissent, beaucoup ! Mais pour cela ils ont besoin que leur cerveau soit libéré de toute source de stress et d’angoisse afin de laisser leurs capacités d’élaboration libres.

Dès lors, comment faire quand ça explose ?

Généralement, quand j’observe une situation parents/ado qui explose, cela était prévisible et prévu par tout le monde. Nous savons quand nous allons aborder le sujet qui fâche que notre gamin va « péter un câble« , que nous aussi, et que cela risque de mal se terminer. Alors pourquoi n’arrivons-nous pas à casser ce schéma qui se répète ?

Comme nous l’évoquions avant, un ado gère mal son stress, il n’en est pas capable. Mais posons-nous la question :


– Quelle est la principale source de stress dans la vie quotidienne d’un ado ?
– Qui lui dit qu’il doit aller en cours ? Ranger sa chambre ? Se laver (presque) tous les jours ? (Tortionnaires !)


Réponse : VOUS !

Nous, les parents sommes une source d’angoisse terrible pour les adolescents, des activateurs d’amygdale. Par nos angoisses d’adultes (il va finir au chômage, elle n’est pas assez mature) que nous essayons de transférer aux enfants, nous créons souvent les conditions à une réaction d’Attaque/Fuite/Stupéfaction avec des peurs qui sont les nôtres. Les enfants ne pouvant pas encore vraiment se projeter dans le temps, comment pouvons-nous espérer qu’ils comprennent la situation socio-économique de notre pays ?

Pour atténuer cela, il vous faudra user de quelques petites stratégies :


La clio-thérapie ou double-occupation.

Chez les travailleurs sociaux nous avons tous expérimenté la clio-thérapie. Ce moment où, dans la voiture, un jeune se livre, échange et discute comme jamais… (il nous arrive d’ailleurs assez fréquemment de perdre notre chemin ou de faire de grands détours pour allonger ce moment privilégié).

Que se passe-t-il lors de ce temps ? Nous ne sommes pas face-à-face. Le contact des regards est souvent, pour l’Homme, une source de stress ce qui amène le cerveau de nos enfants à ressentir un sentiment de danger et donc de devoir choisir dans le triptyque Attaque/Fuite/Stupéfaction. En voiture, nous n’amenons pas ce regard car nous sommes occupés à regarder la route.

Au quotidien, préférez cette méthode quand vous devez aborder un sujet important (délicat) avec votre enfant. Parlez-lui en faisant à manger, en conduisant, en rangeant la maison ou en vous coupant les poils de nez. Cela permettra de libérer en partie les capacités d’élaboration de votre jeune en atténuant les réactions défensives.



On ne bloque pas un ado !

Souvent quand des violences surviennent d’un adolescent contre ses parents, la situation est la même. Nous discutons avec lui, il n’écoute pas (stupéfaction) ou il regarde son téléphone (fuite). Nous montons dans les tours et dans le volume sonore (nous attaquons) et notre jeune se lève et veut partir en criant hurlant et en claquant les portes (fuite). L’erreur alors est de se mettre entre lui et sa porte de sortie. Les solutions de fuite et de stupéfaction n’étant alors pas suffisante, reste l’attaque… et la violence commence…

Laissez votre ado fuir dans sa chambre, ou « fuguer » une heure dans la rue. C’est sa solution pour éviter de vous sauter à la gorge mais également pour faire descendre le stress qui alors le submerge. Vous pourrez revenir par la suite sur la source du problème en étant plus posés.



On ne répète pas et on essaie pas de convaincre.

« De toute façon il s’en fout. Ça rentre par une oreille et ça ressort de l’autre… »


…et nous sommes d’accord.

Alors pourquoi répéter ? Souvent pour convaincre et imposer son point de vue. Même si vous avez l’impression qu’il s’en fiche, votre enfant entend les choses la première fois que vous les dites. Par contre, si vous montez en pression et que vous répétez les choses en vous énervant, son cerveau va s’éteindre et les réactions primaires vont prendre toute la place. Dès lors ce que vous aurez dit sera perdu.

Ne répétez pas. Dites les choses une fois, calmement, sans être agressif et laissez faire. Une collègue me disait souvent « Ce n’est pas en tirant sur l’herbe qu’elle poussera plus vite. » . Effectivement, vous êtes des jardiniers et vous semez des graines. Laissez leur le temps de sortir de terre et de grandir à leur rythme. Vous ne pourrez que très difficilement les forcer, au risque même de les casser…

Pour conclure


La patience, la prise de recul, la prévision des conséquences, la projection dans le temps s’apprennent en grandissant, elles ne se décrètent pas ni ne s’imposent ! Laissez le temps à votre ado de se construire avec ce qu’il est.

J’ai très peu de certitudes dans mon métier mais je suis presque certain d’une chose : Le chaos à la maison n’a jamais aidé à aller mieux à l’extérieur. Votre adolescent fait des bêtises, c’est normal. Il explore, teste, apprend et recommence. Ce n’est pas parce que ce sera la guerre à la maison que votre enfant ira mieux.

Accompagnez votre enfant avec bienveillance, sans qu’il se sente remis en question dans sa valeur et son identité. Aidez-le à prévoir en le questionnant, pas en lui faisant rentrer de force vos propres fonctionnements.

Voyons l’opposition des idées comme une preuve de prise d’autonomie intellectuelle. Votre gamin est suffisamment sécurisé et construit pour avoir des idées différentes des nôtres et vous les proposer. Son raisonnement est absurde ? Laissez-lui le temps de le remanier avec ses capacités du moment.

Comprenons les accès de violence (physique ou verbale) comme un mécanisme de défense contre une source de stress que nous ne devons pas alimenter.

Restons maîtres de nos émotions. Ne nous énervons pas au risque de créer le problème, involontairement.

Les inquiétudes :

Cet article est positif dans le sens où il n’aborde que l’adolescence « classique ». J’insiste sur le fait de ne pas s’inquiéter outre mesure afin de ne pas exacerber certaines problématiques mais d’autres peuvent être préoccupantes. Je les développerai dans d’autres écrits mais selon moi, une attention particulière devrait être portée sur :

– L’abandon des activités. J’entends par là, la disparition de toutes activités extérieures, artistiques ou encore sportives et non pas le changement d’activité. Un ado qui n’a plus aucune d’activité (et je ne parle pas des activités qui NOUS semblent intéressantes) et un enfant qui va peut-être plus mal qu’il n’y paraît.

– La perte de relation aux pairs. Si votre enfant n’a plus d’amis et reste seul, parlez-en avec lui, de façon posée et bienveillante. Si son cercle amical se limite à un ou deux copains, c’est déjà ça donc pas d’inquiétude. Par contre la solitude complète peut être le symptôme d’une problématique autre que l’adolescence seule.

Comme d’habitude, cet article ne saurait-être une méthodologie universelle. Si malgré, ces petits conseils et explications, la relation avec votre ado n’est plus supportable pour lui, pour vous ou pour la famille, il peut alors être intéressant de consulter un professionnel qui vous amènera un regard autre et une analyse plus particulière de votre situation.



Sources :

Le cerveau de l’adolescent est un grand chantier – Folie Passagère 27/01/2016
La CRISE d’ ADOLESCENCE vue par les NEUROSCIENCES !
Le cerveau à tous les niveaux !
https://fr.wikipedia.org/
Isabelle Filiozat, encore et toujours. A voir sans retenue !

Photos par Timothy Eberly, Jesús Rodríguez, Tobias Tullius, nikko macaspac, Jamie Street sur Unsplash

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